« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Pauvre ville


 

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Pauvre ville

        les vandales les architectes

    ont arraché ta ceinture verte

 

            Au cordon Bickford

            A la corde à sauter

ils ont fait danser

                le dernier écureuil

 

Sur l’opéra des oiseaux

        tombe le rideau du deuil

 

Le savoir-vivre des hommes

    n’est pas celui des arbres

et les homme ont tort de dire

    que les arbres ont l’ignorance

                            de mourir

 

    Les hommes n’ont jamais su

lire dans les fougères

            et ne connaissent pas

le premier mot du grand traité

            d’auto-arboriculture

que les ptérodactylographes

tapaient vert sur blanc

                    en pleine pierre

de très nombreux siècles

avant Jésus-Christ

sous la dictée des branches

dans la musique du vent

de la sève et du sang

 

Et seuls des amoureux des fous

                et des oiseaux

peuvent encore de nos jours

de nos nuits de nos rêves

et de nos cauchemars noirs et vrais

peuvent encore lire entre les lignes

dans les feuilles des ormes

des trembles et des charmes

la suite passionnante

du premier grand feuilleton

Jacques Prévert / Arbres (extrait)