« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

J’ai rêvé que j’étais riche


 

 

 

 

 

J’ai rêvé que j’étais riche (1)

 

 

J’étais dans la mer,

dans les viscères

de verre.

 

 

Mère-mer,

je nageais vers le toit

de soleil.

 

 

Mon cœur était

parfum de rouvre,

poisson divin.

 

 

Je nageais dans le lin frais de soleil.

Le poids du monde était un coussin

brillant de perles d’eau et de gravier.

 

 

Gravier de la mer !

 

Poisson de chair devenue or !

 

Ombre brillante des barques !

 

 

……………………..

 


J’ai rêvé que j’étais riche (2)

 

 

Un rayon

 

lune ou soleil ?

 

ou un saint ?

 

ou une lueur de mers lointaines ?

 

 

Il pleut dans la chambre

comme une violette dans le cœur d’un mort.

 

 

Ma chair chante

avec les fils de paille, cils de soleil ;

il nage dans le soleil

le lit couvert de soie blanche.

 

 

Traînée par le chœur des rayons,

la chambre vole sur les fleuves de paille

brûlée par la lumière du chœur des Riches.

 

 

La force des Riches,

comme une rosée de miel,

tremble sur le pavement.

 

 

……………………..


J’ai rêvé que j’étais riche (3)

 

 

Je suis arrivé devant Dieu.

Un lion aux yeux de jeune fille

délicate.

Il m’a dit : Signe !

 

 

J’ai vu ma main en or

qui écrivait des mots

subtils, brillants, azurés, tièdes.

 

 

Les anges, fils des riches

avec les livres sous le bras

chantaient les chansons des ivrognes.

Je les ai regardés en riant.

 

 

Mon rire ne finit jamais !

Mon rire est une aile

grande comme le ciel !

 

 

L’aile et le ciel sont un seul soupir !

Pier Paolo Pasolini / Où est ma patrie
traduit du frioulan par Luigi Scandella