« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

A la manière lorraine

 

 

 

 

 

Dieu ! que je voudrais être oiseau qui vole aux bois ! j’irais de chêne en hêtre emmi tous ceux du roi ! Aux étangs de mon père je m’en irais baigner. Aux seins de ma commère j’irais me ressuyer.

 

Dieu-z-ouïrait mon roucoul dessus les Tours de Toul, me verrait ventre à terre courber, raser bruyères du côteau-Dieu-Louard à mare aux nénuphars, me verrait, ô misère ! sur les toits de Nancy chanter do, chanter si aux pauvres en prière, m’entendrait, ô fortune ! sur les toits de Phalsbourg enchanter vos amours, bleus oiseaux de la lune, Dieu couleur d’arc-en-ciel me verrait dans l’orage fuir, comme poisson nage, de Thiaumont à Saint Mihiel, Dieu-t-ouïrait mes chansons errer sur la Lorraine, Bar, Donrémy, Varennes, Metz et Pont-à-Mousson, verrait, Dieu qui ruisselle de clartés jusqu’au sol, glisser sur vous mon vol, Meuse, Meurthe-et-Moselle.

 

Dieu ! que je voudrais être oiseau qui vole aux bois ! j’irais de chêne en hêtre emmi tous ceux du roi ! Aux étangs de mon père je m’en irais baigner. Au giron de ma mère j’irais me ressuyer.

Paul Fort / Ballades Lorraines / Mon grand pays
Illustration : détail de tableau de Mme Delgobe-Deniker représentant Paul Fort attablé (Musée Nicolas Poussin).