« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

UN HOMME ET UNE FEMME ABSOLUMENT BLANCS


 

 

 

 

 

Tout au fond de l’ombrelle je vois les prostituées merveilleuses

Leur robe un peu passée du côté du réverbère couleur des bois

Elles promènent avec elles un grand morceau de papier mural

Comme on peut en contempler sans serrement de cœur aux anciens étages d’une maison en démolition

Ou encore une coquille de marbre blanc tombée d’une cheminée

Ou encore un filet de ces chaînes qui derrière elles se brouillent dans les miroirs

Le grand instinct de la combustion s’empare des rues où elles se tiennent

Comme des fleurs grillées

Les yeux au loin soulevant un vent de pierre

Tandis qu’elles s’abîment immobiles au centre du tourbillon

Rien n’égale pour moi le sens de leur pensée inappliquée

La fraîcheur du ruisseau dans lequel leurs bottines trempent l’ombre de leur bec

La réalité de ces poignées de foin coupé dans lesquelles elles disparaissent

Je vois leurs seins qui mettent une pointe de soleil dans la nuit profonde

Et dont le temps de s’abaisser et de s’élever est la seule mesure exacte de la vie

Je vois leurs seins qui sont des étoiles sur des vagues

Leurs seins dans lesquels pleure à jamais l’invisible lait bleu

André Breton / Le revolver à cheveux blancs