« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

(AVIS DE MESSE) - I


 

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Mais comme tout ce qui a en soi

quelque chose de salinghe

et de salace,

c’est-à-dire qui participe

de la porcherie intestine

invétérée

de l’être,

ces déplacements

de l’animalcule vital

se passent sous le couvert aussi

de la plus profonde invisibilité;

 

le cœur de dieu s’ouvre

comme un beau vagin

à la messe

et ce n’est qu’ainsi que l’acte de réception eucharistique revêt

pour le maximum de chrétiens

son maximum d’efficacité;

mais ce cœur d’invaginé

qui le voit en dehors du pourceau qui le désire,

et de l’ange à chaque coup commis par dieu

pour la réussite de l’abjecte opération;

pour les autres,

ce n’est même pas un cerveau dont le lobe donne son pétale,

                        c’est…

mais il ne s’agit pas de cela,

j’ai dit

    que 

        moi,

            Antonin Artaud,

je souffrais d’un envahissement occulte de larves,

et qu’il n’était même pas besoin de recourir à la magie

pour expliquer les saletés de l’opération,

la science qui connaît les microbes

a inventé ces derniers temps les amibes;

 

le ramassis de pourceaux

qui jouent au succube

et à l’incube

pourquoi

après tout

ne serait-ils pas des amibes d’un érotisme particulier ?

 

Voilà des siècles que j’ai à me battre

avec ces émanations de néant

appelées incubes,

succubes,

larves,

lémures,

et qui ne sont après tout

que les découpures

d’un vide

où je crache,

moi,

personnellement,

le monstre

ou

la bête

que je me fais.

 

Oui,

mais d’abord on me la fait

car ce n’est pas pour le plaisir d’un sadisme particulier

que je m’inventerai

à toute heure

ces confetti sacramentels.

Antonin Artaud / États préparatoires - (Avis de messe) - extrait.