« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Le prisonnier

 

 

 

 

 

Dans la nuit    je m’éveille   mais personne —

Le chien surpris se met à aboyer      soudain

Prêt à bondir à la hauteur de tous les sommeils

Toutes les oreilles sont dans leurs lits

Et les lits sont dans les nuages

 

Tremblant de solitude se débattent les dents

Bondissent pour retomber désespérés les cris

A chaque fois me voilà qui glisse un peu plus hors du lit

 

Mes yeux sont deux trous jumeaux perforés dans le mur

Les rêves sur le bureau se congèlent en flammes de phosphore

Au ciel rougeoie le scintillement des étoiles

Sur terre hurlent tristement les chiens

        (de quel endroit ?     cet écho qui revient faiblement)

Or moi je connais le secret

Dans la prison de mon cœur aussi reste enfermé un chien qui aboie

Le chien d’une VIE* insomniaque et blafarde

 

 

(1949)

 

 

* En français dans le texte

Miyoshi Toyoichirô (1920-1992)
Traduit du japonais par Yves-Marie Allioux
Illustration : Kitagawa Utamaro (1753-1806) Utamakura (Poème-oreiller) /Estampe érotique (shunga).