« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

AU CRUCIFIÉ

 

 

 

 

 

Mon esprit avec le tien mon frère aimé,

Ne sois pas inquiet de voir tant de personnes prononcer ton

    nom sans rien comprendre à toi,

Je ne prononce pas ton nom, je te comprends,

J’ai joie spécifique à te saluer mon camarade, à saluer

    ceux qui t’accompagnent, ceux d’avant ceux d’après

    qui viendront,

Pour que tous travaillions ensemble à transmettre à nos

    successeurs l’unique charge,

Nous la minorité d’égaux sans préoccupation de terres

    sans préoccupation de temps,

Nous qui embrassons sans distinction les continents, les

    races, tolérons toutes les théologies,

Qui compassionnons, percevons les rapports humains,

Marchons sans bruit à travers disputes et assertions sans

    rejeter les querelleurs ni rien de ce qu’ils affirment,

Avons dans les oreilles le vacarme des insultes, tympan

    atteint par les divisions les jalousies les récriminations

    émanant de partout,

On nous assaille, péremptoirement on nous entoure, mon

    camarade,

Rien ne nous entrave, nous marchons librement, parcourant

    en tous sens la terre entière jusqu’à ce que nos

    pas ineffaçables s’impriment sur le temps, sur toutes

    les époques,

Jusqu’à la saturation du temps des époques, jusqu’à ce que

    hommes et femmes des races des âges futurs soient

    frères et amants tout comme nous.

Walt Whitman / Feuilles d’herbe - L’Automne en ses ruisseaux