« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Les Heures du soir - XXVII

 

 

 

 

 

Lorsque tu fermeras mes yeux à la lumière,

Baise-les longuement, car ils t’auront donné,

Tout ce qui peut tenir d’amour passionné

Dans le dernier regard de leur ferveur dernière.

 

Sous l’immobile éclat du funèbre flambeau,

Penche vers leur adieu ton triste et beau visage

Pour que s’imprime et dure en eux la seule image

Qu’ils garderont dans le tombeau.

 

Et que je sente, avant que le cercueil se cloue,

Sur le lit pur et blanc se rejoindre nos mains

Et que près de mon front sur les pâles coussins

Une suprême fois se repose ta joue.

 

Et qu’après je m’en aille au loin avec mon cœur,

Qui te conservera une flamme si forte

Que même à travers la terre compacte et morte

Les autres morts en sentiront l’ardeur !

Émile Verhaeren / Les Heures du soir