Perdre
Par domcorrieras, le samedi 9 janvier 2016 - Poèmes & chansons - lien permanent
L’émotion
qui t’a obligé à déposer, hâtivement, une esquisse
en brindilles de mots
ne pourra que
vouloir
comme un
linge mouillé se tord,
se visser,
dans ces maigres phrases infirmes,
jusqu’à les blanchir,
exsangues, affadies,
jusqu’à se dévorer elle-même, en les tuant,
— bouche qui s’avale —
dans un nœud de silence.
Et il faudra qu’à chaque fois,
séparé d’elle, malgré elle,
ignorant même le souvenir
de son goût,
revenant de partout — pieds titubants,
vagues circuits, soins distribués au vide —,
tu la
reconstitues
que de tout,
mors de paille hachée, images
effondrées,
tu mâches et craches une matière blême,
laborieusement assouplie, mouillée,
qui, sous tes dents, dans tes mains,
tatouée, tapotée, modèlera,
en creux,
la place,
le geste de ce
qui ne cesse d’être mort.
Claude Mouchard / Perdre (extrait)