« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Si les poètes étaient moins bêtes

 

 

 

 

 

Si les poètes étaient moins bêtes

Et s’ils étaient moins paresseux

Ils rendraient tout le monde heureux

Pour pouvoir s’occuper en paix

De leurs souffrances littéraires

Ils construiraient des maisons jaunes

Avec des grands jardins devant

Et des arbres pleins de zoizeaux

De mirliflûtes et de lizeaux

Des mésongres et des feuvertes

Des plumuches, des picassiettes

Et des petits corbeaux tout rouges

Qui diraient la bonne aventure

Il y aurait de grands jets d’eau

Avec des lumières dedans

Il y aurait deux cents poissons

Depuis le croûsque au ramusson

De la libellule au pépamule

De l’orphie au rara curule

Et de l’avoile au canisson

Il y aurait de l’air tout neuf

Parfumé de l’odeur des feuilles

On mangerait quand on voudrait

Et l’on travaillerait sans hâte

A construire des escaliers

De formes encor jamais vues

Avec des bois veinés de mauve

Lisses comme elle sous les doigts

 

Mais les poètes sont très bêtes

Ils écrivent pour commencer

Au lieu de s’mettre à travailler

Et ça leur donne des remords

Qu’ils conservent jusqu’à la mort

Ravis d’avoir tellement souffert

On leur donne des grands discours

Et on les oublie en un jour

Mais s’ils étaient moins paresseux

On ne les oublierait qu’en deux.

Boris Vian / Je voudrais pas crever