« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

VIII - À la mort

 

 

 

 

 

 

De toutes façons tu viendras — pourquoi pas maintenant ?

Je t’attends — vivre est trop dur.

J’ai éteint la lampe, ouvert tout grand la porte

Pour toi, si simple et merveilleuse.

Prends la forme que tu voudras,

Engouffre-toi, projectile empoisonné,

Faufile-toi avec ta pierre, ta chaîne, comme un bandit,

Ou tue-moi d’une fièvre typhoïde,

Ou d’une fable de ton invention

Mille fois rabâchée, —

Que mon regard aille au-delà de la casquette bleue

Et du concierge blême de terreur.

Maintenant tout m’est égal. Le Ienisseï tourbillonne,

L’étoile polaire brille.

Et l’éclat marine des yeux que j’aime

Couvre la dernière épouvante.

 

                         19 août 1939. Maison de la Fontanka

Anna Akhmatova / Requiem (extrait)
Traduit du russe par Marion Graf et José-Flore Tappy