« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

BRISE MARINE

 

 

 

 

 

 

La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres

Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres

D’être parmi l’écume inconnue et les cieux !

Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux

Ne retiendra ce cœur qui dans la mer se trempe

Ô nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe

Sur le vide papier que la blancheur défend.

Et ni la jeune femme allaitant son enfant.

Je partirai ! Steamer balançant ta mâture !

Lève l’ancre pour une exotique nature !

Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,

Croit encore à l’adieu suprême des mouchoirs !

Et, peut-être, les mâts, invitant les orages

Sont-ils de ceux qu’un vent penche sur les naufrages

Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertile îlots…

Mais, ô mon cœur, entends le chant des matelots !

Stéphane Mallarmé