« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

SAMEDIS

 

 


 

À  C. -G.

 

 

 

Dehors c’est un couchant, sombre joyau

enchâssé dans le temps,

et une profonde ville aveugle

de ne pas t’avoir vue.

Le soir se tait ou chante.

Quelqu’un libère les désirs

que le piano crucifiait.

Sans cesse, la multitude de ta beauté.

 

 

Tu n’as pas d’amour,

mais ta beauté

comble le temps de son miracle.

Le bonheur est en toi

ainsi que le printemps dans la feuille nouvelle.

Je ne suis presque rien,

ce désir seulement

qui se perd dans le soir.

Le délice est en toi

comme la cruauté dans les épées.

 

 

La nuit grève la grille.

Dans le salon sévère ainsi que des aveugles

se cherchent nos deux solitudes.

La blanche gloire de ta chair

survit encore au soir.

Une peine est dans notre amour;

elle ressemble à l’âme.

 

 

Toi

qui n’étais hier que toute beauté

tu es aussi tout l’amour, maintenant.

Jorge Luis Borges / L’or des tigres - Appendice : Ferveur de Buenos Aires 1923, révision 1974
traduit par Ibarra