« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

UN DE TES FILS, INDIEN…

 

 

 

 

 

De la transparence des lacs

    tu sors voir le soleil, homme

d’eau douce respiration

    de statue dans le silence.

Tu dresses sur tes tempes aériennes

    le monde qui t’entoure.

Pas une ride sur ton nuage,

    Rien d’autre : un glissement de siècles

roulant son flux autour de toi.

    Une présence sans contact,

unie à la porosité du ciel.

    Qui a perforé

ton rêve ? Tu es né de cette manière

    en glissant, et depuis,

du fleuve qui pénètre dans le lac

    tu sors, toi, profond et pieds nus.

 

Tu tardes tellement à traverser

    les stances mélodieuses

de ta flûte qu’il reste temps

    et humidité aux gencives

des sillons pour qu’elles laissent poindre

    les dents vertes

des semis. Musique d’anneaux

    qui circulent sans marcher

dans les cavités des échos et métiers à tisser.

    Celui qui vit à ta façon

meurt de mort végétale

    et laisse la terre imprégnée de rêve.

La soif de la mer te poursuit,

    la mer qui ne t’atteint. Il n’y a pas

trace de mer salée dans ton histoire.

    Des mers d’eaux douces seulement.

 

La dense solitude de la canicule

    m’a fait penser à toi.

Tu es redevenu statue de mon attente.

    Oui, qui naîtra demain ?

Laisse-moi dire que ce soit un de tes fils,

    fluide comme une musique de rivière,

humide comme un lit de lac,

    abyssal et souriant. Un de tes fils, Indien !

Miguel Ángel Asturias / Poèmes indiens