« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Contre les chansons d’opposition

 

 

 

 

À Eugenio Gallego

 

 

 

 

J’ai passé ma vie à concilier les contraires.

Me disant : bien et mal ne sont pas si différents,

oui est souvent non, mon amie est mon ennemie,

le plaisir fait si mal qu’il s’apparente à la douleur

et les jours de fête sont jours d’ennui.

J’ai passé ma vie à grelotter au mois d’août

et à mourir de soif auprès de la fontaine.

Mais c’est fini. Je ne veux pas que le rire

se déguise en pleurs, que les baisers blessent,

que la mort sauve, ni que le soleil d’été

soit ombre tout au fond, et le désert océan.

Je veux revenir en arrière, au temps où les choses

n’étaient pas si compliquées, où l’amour n’était pas haine 

où la neige, et la paix et la guerre

étaient des mots uniques, distincts, sans équivoque,

et non la double face d’un même ennui.

Je ne veux plus transpirer au milieu des pingouins.

Luis Alberto de Cuenca / El otro sueño
traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet