« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

TROIS POÈMES (1)

 

 

 

 

1

 

 

Je suis né vieillard, et nourrisson je m’en retournerai,

sans savoir, sans fortune, et sans peur ni honte…

Mais non… on ne m’enfouira pas sous l’envers plein de nœuds

de la terre, — mais dans la ténèbre d’ici, où le verbe est de l’eau.

 

Sinon le grain facetté serait malade

(où devrai-je alors m’enraciner)

Quand même dès l’abord j’aurais ignoré où est le droit, où le sinistre

Où est le haut, le bas; où tourner pages et pas.

 

Bonjour, poste élevé d’un palier ultime,

D’où je jetterai loin le signet marqueur de pages oubliées !

Pour aller plus bas, toujours plus (mais non, je ne vieillirai pas…),

Jusqu’à la marche inférieure, et je n’aurai pas à me courber.

 

Terreur : vivre trop peu, sans creuser sa place,

Offrir à la pourriture terrestre des feuilles trop lisses,

Trébucher en pleine route au cri poussé par le temps,

Et rester ouvert comme un bouquin sur la table.
 

Oleg Youriev / Trois poèmes