Passer la gomme. Non pour fuir. Pour corriger.

Ne pas dormir. Sortir du songe. Voir

le cauchemar de ce qui est, le peu que j'ai

et la vertigineuse chute du grand soir.

Effacer pour savoir, ce qui était écrit

étant ce qui distrait. Ce qui se tait étant

ce qui seul compte. Faire en sorte que l'épi

ne pousse plus où l'on passa, le temps

étant enfin venu de convertir

le tout en rien, de ne plus être le martyr

que de soi-même.

                                     Gommer l'homme

pour être homme. Au plus sec du sec, abandonné,

redevenir le gélatineux nouveau-né

tirant la mamelle molle de la gomme.

Roger Bodart / La route du sel et autres poèmes