« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Ralph et la quatrième dimension

 

 

 

 

 

 

… / …

 

          Au bout de plusieurs minutes cependant, il finit par se sentir las, mais toujours intrigué; et ce fut moins à pas de loup qu'à pas de souris qu'il regagna sa couche. Là, le drap par dessus l'oreille, il s'endormit du sommeil des grands froussards qui se croient ainsi à l'abri et, presque aussitôt, il se mit à ronfler.

          Il ronflait si fort qu'il n'entendit rien de ce qui se passait dans la pièce à côté. Sa robe de chambre jetée négligemment sur un canapé où elle gisait pareille à une morte se redressa toute droite et secoua ses manches avec indignation. Quittant son canapé, elle se mit à parcourir la pièce.

          — Debout ! fit-elle en agitant les bras. Il dort comme un reître, le tyran. Il ne sait pas que demain, ce sera le grand soir du monde. Il y a de l'agitation dans le mobilier. On en a assez de la façon dont ils nous traitent, les hommes ! Assez de leur dédain, de leur mépris, moi la première, qui sort d'un magasin chic et cher. Ils vont voir. C'est la révolte des choses.

          — Des objets précieux et autres, rectifia dignement un vase de Chine.

          Un petit livre sauta d'une étagère et se mit à voleter en battant des pages.

          — Il ne m'a jamais ouvert glapit-il, je lui viens de sa grand-mère et je suis plein de poèmes immortels. Tu vas voir, jeune crétin ! « Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? » Nous allons lui en montrer de toutes les couleurs !

 

… / …

Julien Green / Ralph et la quatrième dimension (extrait).