« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

J'AIME MAÏS

 

 






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Il y a des femmes de neige joyeuses comme des fraises

              étonnées comme des coquelicots

Il y a des ponts qui boitent comme un arbre qui se trompe

Et vend sa couleur à des oiseaux qui mentent des ponts

              qui boitent

Comme un tison tutoie le valet de pique

Il y en a même un qui oublie de traverser

Et reste à regarder l'eau et les femmes qui passent

Pareil à un damier qui joue tout seul à un enfant qui

              attache une chèvre

Il y a des maisons fatiguées qui laissent pendre leurs mains

              dans la rivière

L'écume en joue avec l'indifférence d'un chameau portant

              une écumoire

Il y a des maisons rieuses comme des pastèques et d'autres

Qui ne disent rien quand elles voient passer les avares

Il y a une maison plus belle que les autres on l'habite

              pour moi

 

 

Il y a des ombres qui parlent mieux que des soupières

Des ombres qui se promènent tout le jour des poissons

              sous les bras

Il y a des hommes qui pensent à ce qu'ils feront demain

Leur tête ressemble à une horloge bègue

Leurs mains chaque doigt est un porc qui a une bague

              à chaque patte

Il y a des hommes qui pensent ce qui a été écrit la veille

Il y en a qui écrivent ce qui n'a jamais été pensé

Il y a des femmes de coquillages top lourdes pour qu'on

              les porte

Trop brillantes pour qu'on les oublie même si on les habille

              de plumes

Il y a des femmes d'ombre qui passent leurs nuits à

              dessiner un homme

Et déchirent leurs jours à l'effacer et l'homme recommence

Il y a des cloches qui passent leur temps sur l'eau les jupes

              relevées

Il y a des fenêtres pour dormir des fenêtres pour parler

              des fenêtres

Pour voir venir un nain qui grandit à mesure qu'il arrive

Des fenêtres pour se souvenir d'un seul visage et de cent

              autres fenêtres

 

 

 

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Jehan Mayoux / Au crible de la nuit