« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

LE BUVEUR ET LE HARENG

 

 

 

 

VAU-DE-VIRE.

 

J'ay grand' peur d'une maladie: 

Une heure y a que je n'ay beu. 

Tant tarder, las! comme ay-je pu? 

Desja ma face en est blesmie.

 

Le harenc bientost perd la vie

Quand il se sent hors de la mer. 

De mesme je ne puis durer, 

Lorsque la boisson m'est faillie. 

J'ay grand' peur d'une maladie: 

Une heure y a que je n'ay beu.

Tant tarder, las! comme ay-je pu? 

Desja ma face en est blesmie.

 

Mais, comme au harenc, ne faut mie 

Que tousjours le bec aye en l'eau;

Mesme faut tenir le museau

Tousjours en bonne malvoisie.

J'ay grand' peur d'une maladie: 

Une heure y a que je n'ay beu.

Tant tarder, las! comme ay-je pu? 

Desja ma face en est blesmie.

 

Perdrons-nous, pour femme et mesgnie, 

De boire à tire-la-Rigault?

Faut-il laisser tout plein le pot? 

Voici si bonne compagnie.

J'ay grand' peur d'une maladie: 

Une heure y a que je n'ay beu.

Tant tarder, las! comme ay-je pu? 

Desja ma face en est blesmie.

Olivier Basselin, né à Vire en 1403 et mort en 1470, est un poète populaire normand.