« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

L'animal mange-serrure

 

 





Dans les cou­loirs de l’hôtel, je le ren­con­trai qui se pro­me­nait avec un petit ani­mal mange-ser­rure. Il posait le petit ani­mal sur son coude, alors l’ani­mal était con­tent et man­geait la ser­rure.

Puis il allait plus loin et l’ani­mal était con­tent et une autre ser­rure était man­gée. Et ainsi de plu­sieurs et ainsi de quan­tité. L’homme se pro­me­nait comme quelqu’un dont le "chez soi" est devenu con­si­dé­ra­ble. Dès qu’il pous­sait une porte une nou­velle vie com­men­çait pour lui.

Mais le petit ani­mal était si affamé de ser­ru­res que son maî­tre devait bien­tôt res­sor­tir à la recher­che d’autres effrac­tions, si bien qu’il trou­vait peu de repos.

Je ne vou­lus pas faire alliance avec cet homme, je lui dis que moi ce que je pré­fé­rais dans la vie, était de sor­tir. Il eut un grand regard blanc. Nous n’étions pas du même bord, voilà tout, sans quoi j’aurais fait alliance avec lui. Il me plai­sait sans me con­ve­nir.

Henri Michaux / Plume pré­cédé de Loin­tain Inté­rieur