« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Visitation

 

 




ô houle annon­cia­trice sans nom­bre sans pous­sière de 

  toute parole vineuse

houle et ma poi­trine salée des anses des anciens jours 

  et la jeune cou­leur

ten­dre aux seins du ciel et des fem­mes élec­tri­ques 

  de quels dia­mants

for­ces érup­ti­ves tra­cez vos orbes

com­mu­ni­ca­tions télé­pa­thi­ques repre­nez à tra­vers la 

  ma­tière réfrac­taire

mes­sa­ges d’amour éga­rés aux qua­tre coins du monde

  re­ve­nez-nous rani­més

par les pigeons voya­geurs de la cir­cu­la­tion sidé­rale

pour moi je n’ai rien à crain­dre je suis d’avant Adam

  je ne relève ni du même lion

ni du même arbre je suis d’un autre chaud et d’un autre 

  froid

ô mon enfance lait de luciole et fris­son de rep­tile

mais déjà la veille s’impa­tien­tait vers l’astre et la poterne

  et nous fuyions

sur une mer cam­brée incroya­ble­ment plan­tée de pou­pes

  de nau­fra­ges

vers une rive où m’atten­dait un peu­ple agreste et péné­treur 

  de forêts avec aux mains

des rameaux de fer forgé — le som­meil cama­rade

  sur la jetée — le chien bleu de la méta­mor­phose

l’ours blanc des ice­bergs et Ta très sau­vage dis­pa­ri­tion 

tro­pi­cale comme une appa­ri­tion de loup noc­turne

  en plein midi

Aimé Césaire / Les armes mira­cu­leu­ses