« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Seulement pour les fous

 

 




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     Le quar­tier ancien m’accueillit, la petite église, éteinte, irréelle, trans­pa­rais­sait dans la gri­saille. Subi­te­ment, je me rapel­lai l’inci­dent du soir, la porte ogi­vale mys­té­rieuse, l’ensei­gne énig­ma­ti­que, les let­tres railleu­ses et fuyan­tes. Quelle était l’ins­crip­tion ? « Tout le monde n’entre pas » Et : « Seu­le­ment pour les fous ». Avec avi­dité, je fixai le vieux mur, sou­hai­tant secrè­te­ment que recom­men­çât la magie, que m’appe­lât, moi le fou, l’ensei­gne lumi­neuse, et que me lais­sât entrer la petite porte. Là-bas, peut-être, trou­ve­rais-je ce que je sou­hai­tais ?

Là-bas enten­drais-je ma musi­que ?

     Le som­bre mur de pierre me con­tem­plait, serein, dans l’obs­cu­rité pro­fonde, fermé, abîmé, dans son rêve. Nulle tace de porte ni d’ogive, rien que le mur calme et noir. Avec un sou­rire, je pour­sui­vis ma route, fai­sant à la muraille un signe affec­tueux. 

« Dors bien, je ne te réveille­rai pas. Le temps vien­dra où ils t’abat­trons ou te cou­vri­ront de leur publi­cité cupide, mais en atten­dant, tu es là, tu es encore calme et belle, et je t’aime. »


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Her­mann Hesse / Le loup des step­pes (extrait)