LA SOUPE ET LES NUAGES
Par domcorrieras, le mercredi 2 avril 2008 - Poèmes & chansons - lien permanent
Ma petite folle bien aimée me donnait à dîner, et par la fenêtre ouverte de la salle à manger, je contemplais les mouvantes architectures que Dieu fait avec les vapeurs, les merveilleuses constructions de l’impalpable. Et je me disais, à travers ma contemplation : « Toutes ces fantasmagories sont presque aussi belles que les yeux de ma bien-aimée, la petite folle monstrueuse aux yeux verts. »
Et tout à coup je reçus un violent coup de poing dans le dos, et j’entendis une voix rauque et charmante, une voix hystérique et comme enrouèe par l’eau-de-vie, la voix de ma chère petite bien-aimée, qui disait : « Allez-vous bientôt manger votre soupe, sacré bougre de marchand de nuages ? »
Charles Baudelaire / Petits poèmes en prose