« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Girouette

 

 

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Vent du Sud,

Brun, ardent,

Ton souf­fle sur ma chair

Apporte un semis

De brillants

Regards et le par­fum

Des oran­gers. Tu fais rou­gir la lune

Et san­glo­ter

Les peu­pliers cap­tifs, mais tu arri­ves

Trop tard.

J’ai déjà enroulé la nuit de mon roman

Sur l’éta­gère !

 

Sans nulle haleine,

Tu peux m’en croire !

Tourne, mon coeur,

Tourne, mon coeur.

Vent du Nord,

Ours blanc !

Tu souf­fles sur ma chair,

Tout fris­son­nant d’auro­res

Boréa­les,

Avec ta traîne de spec­tres

Capi­tai­nes,

Et riant aux éclats

De Dante.

O polis­seur d’étoi­les !

Mais tu arri­ves

Trop tard.

L’armoire est ver­mou­lue

Et j’ai perdu la clé.

 

Sans nulle haleine,

Tu peux m’en croire !

Tourne, mon coeur,

Tourne, mon coeur.

 

Bri­ses-gno­mes et vents

Venus de nulle part.

Mous­ti­ques de la rose

Aux péta­les en pyra­mi­des.

Vents ali­zés gran­dis

Parmi les rudes arbres,

Flû­tes dans la bour­ras­que,

Lais­sez-moi !

De lour­des chaî­nes sui­vent

Mon sou­ve­nir,

Et l’oiseau est cap­tif

Qui des­sine le soir

Avec ses trilles.

 

Les cho­ses qui s’en vont ne revien­nent jamais.

Tout le monde le sait,

Et dans le peu­ple clair des vents

Il est vain de se plain­dre.

 

N’est-ce pas, peu­plier, doux maî­tre de la brise ?

Il est vain de se plain­dre !

Sans nulle haleine,

Tu peux m’en croire !

Tourne, mon coeur,

Tourne, mon coeur.









 

Federico García Lorca