« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

LE RÉVEIL

 

 


Entendez-vous le bruit des roues sur le pavé ?
Il est trad. Levez-vous. Midi à son de trompe
Réclame le passage à l’écluse et, rêvé,
Le monde enfin s’incarne et déroule ses pompes.

Il est tard. Levez-vous. L’eau coule en la baignoire.
Il faut laver ce corps que la nuit a souillé.
Il faut nourrir ce corps affamé de victoire.
Il faut vêtir après l’avoir mouillé.

Après avoir frotté les mains que tachait l’encre,
Après avoir brossé les dents où pourrissaient
Tant de mots retenus comme bateaux à l’ancre,
Tant de chansons, de vérités et de secrets.

Il est tard. Levez-vous. dans la rue un refrain
Vous appelle et vous dit « Voici la vie réelle ».
On a mis le couvert. Mangez à votre faim
Puis remettez le mors au cheval qu’on attelle.

Pourtant pensez à ceux qui sont muets et sourds
Car ils sont morts, assassinés, au petit jour.

Robert Desnos / Contrée