« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Vigne Vieille

 


        Je me souviens de ces lignes du ciel en guirlandes quand les mots de peines se fracassaient sur la grande arche de son sourire, le festival de ses pépites quand les mouettes endimanchées garnissaient les grèves interdites, qu’au bout des chemins assurés par sa verve tonique se levait un superbe félin amoureux, que l’on pouvait graver le choix de partir d’où l’on voulait, de réaliser un vœu, le temps seulement d’écrire, simplement par les yeux, son nom sur l’heur d’une volute ou les transports d’un chœur fougueux.
        L’essentiel était que la Terre s’ouvre à la bénédiction des Cultures, au soc du laboureur, que l’eau bénite serve enfin à faire pousser le mil, le blé, le riz et le soja, que la musique se gratouille ensuite délicieusement là où la faim était rompue, que les rues se mettent à danser et que les enfants exultent dans chaque main tendue.
        Je vous ai tous et toutes entendu applaudir, sainement, hommes d’un peu partout mais surtout vous femmes du béguinage de Bruges, soldates d’Israël, révolutionnaires du Maghreb, redoutables fonceuses d’Afrique du Sud, silencieuses allemandes ou bolcheviques, dangereuses congaïs, impondérables argentines et autres utopistes, je vous ai tous et toutes entendu retentir à l’annonce des nouvelles noces libertaires.
        Qu’importait par ailleurs le ton sacré des maîtres pieux, des dieux, pourvu que le voyage soit celui d’un baiser long, merveilleusement bon, si vaste que l’on pouvait y recopier tous les versets bibliques, de la Torah à l’Apocalypse selon saint Jean, de roue en roue.
        Et après, demandez-vous.
        Et bien après on voyait…
        Nous n’avons jamais été pressés de plier le sarment ni de tordre le cou à la joie.
        Il faut vous dire que vendanger tendrement les émois d’un être cher, même soixante années durant, ma foi, ça n’est finalement pas tellement.

                En Provence, le jour de Pâques 2006.

Alphonse Pensa / Lettres, poèmes et tableaux d’un vieux bateleur sur le corail des mots