CROYANCE
Par domcorrieras, le samedi 23 juin 2018 - Poèmes & chansons - lien permanent
Souvent il m’apparut sous la forme d’un ange
Dont les ailes s’ouvraient,
Remontant de la terre au ciel où rien ne change;
Et j’ai vu s’abaisser, pleins d’une force étrange,
Ses bras qui m’attiraient.
Je ne l’ai pas rêvé, je l’ai vu. La nuit même,
Où le cœur entend tout,
Je n’entendais que lui dire : « C’est moi qui t’aime;
C’est moi qui t’aimerai d’une ferveur extrême
Sur la terre et partout. »
Ses yeux bleus se fondaient en lumières humides,
Pour inonder mes yeux :
J’étais illuminée et pâle; et, moins timides,
Mes deux mains se changeaient en deux ailes rapides
Pour l’aller voir aux cieux !
Je montais, je sentais de ses plumes aimées
L’attrayante chaleur;
Nous nous parlions de l’âme, et nos âmes charmées,
Comme le souffle uni de deux fleurs embaumées,
N’étaient plus qu’une fleur !
Et je tremblerai moins pour sortir de la vie,
Il saura le chemin :
J’en serai de bien près devancée ou suivie;
Puis entre Dieu qui juge ma crainte éblouie,
Il étendra sa main.
Son souffle lissera mes ailes sans poussière,
Pour les ouvrir à Dieu,
Et nous l’attendrirons de la même prière;
Car c’est l’éternité qu’il nous faut tout entière :
On n’y dit plus adieu !
Ce nœud tissu par nous dans un ardent mystère,
Dont j’ai pris tout l’effroi,
Il dira que c’est lui, si la peur me fait taire;
Et s’il brûla son vol aux flammes de la terre,
Je lui dirai que c’est moi !
Marceline Desbordes-Valmore