« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Ici il y avait

 

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Ici il y avait un pays
le feu se retira des doigts des femmes
le pain déserta les sillons
et le froid mangea tous les enfants qui portaient une jonquille sur l'épaule

Ici il y avait un mur
quise multipliait par lui-même en temps de prospérité
devenait rectangle carré jamais cercle
pour ne pas humilier les fontaines
seules détentrices de la rotondité du jour.

Ici il y avait un chasseur
qui renversait sa maison pour se rendre dans la forêt
et constater que les détonations perçaient les tympans du roc

Ici il y avait un caillou
qui se transformait en tumulus à la seule vue d'un passant

Ici il y avait une nuit infiniment blanche
un arbre infiniment noir
qui remontait son écorce jusqu'au menton
lorsque midi prolongeait les ombres jusqu'au ravin

Ici il y avait  l'écho d'un autre écho
et les cornes des grands bovins qui fondaient au seul passage d'une aile

Vénus Khoury-Ghata / Anthologie personnelle