« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

mauvaise nuit


 

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je suis bien entamé et il y a un homme qui n’arrête pas
de sauter sur place dans sa piaule juste à côté
il saute de tout son poids sur le plancher et je l’écoute
danser alors que ma femme est aux chiottes et que Fidelio passe
à la radio, et aujourd’hui aux courses j’ai perdu 70 $ et une femme
s’est pris le pied dans l’ascenseur, et les poivrots
beuglent après le liftier : ROUVRE ! ROUVRE LES
PORTES ! pendant ce temps, le sang rouge, les parieurs et
moi-même fixions le totaliseur dans l’attente d’une info de dernière
   minute mais j’ai misé sur
le mauvais cheval.
à présent l’homme a arrêté de sauter sur place et
a ouvert sa bible. bon, ben l’été a été mauvais
pour tout le monde. un sentiment particulier,
le sentiment oppressant que trop, c’est trop. on nous demande
de remettre nos chaussettes, nous en sommes quelque peu
abasourdis, nous restons cloués sur place comme des tableaux
de vierges à la peau bleue devant des jeunes surexcités, & il y a
trop de cheveux sur la nuque et des fleurs meurent dans un
vase, ma femme sort des
chiottes.
       tout va bien ? qu’elle
       demande. ouais, que
j’réponds.

Charles Bukowski / Les jours s’en vont comme des chevaux sauvages dans les collines
traduit de l’anglais (États-Unis) par Thierry Beauchamp