« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

L’ÎLE


 

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Il descendit sur une plage où le soir

Était toujours celui d’anciennes forêts,

Et s’avança,

Et ce fut une rumeur d’ailes qui le rappela

Détachée du déchirant

Battement de cœur de l’eau torride,

Et il vit qui languissait

Et refleurissait un fantôme;

Recommençant à monter il vit

Que c’était une nymphe et elle dormait

Toute droite enlacée à un orme.

 

Divaguant en lui-même de l’illusion

A la flamme véritable, il parvint à une prairie

Où l’ombre s’épaississait aux yeux

Des vierges comme

Le soir aux pieds des oliviers;

Les branches distillaient

Une pluie paresseuse de flèches,

Des brebis s’étaient assoupies

Sous la tiédeur lustrée,

D’autres broutaient

Le drap lumineux des morts;

Les mains du berger étaient un verre

Poli de fièvre sourde.

Giuseppe Ungaretti / Vie ‘d’un homme / Sentiment du temps / La fin de Chronos
Traduit de l’italien par Philippe Jaccottet, Pierre Jean Jouve, Jean Lescure, André Pieyre de Mandiargues, Francis Ponge et André Robin.