« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

VIOLON


 

 

 

 

Abandonné sur une montagne de rêve

Je jouis de mon silence étalé en sourires

Ce silence que j’ai entièrement souffert

Et qui peureux se cramponne à l’archet

 

Violon, violon

 

Abandonné sur une montagne de peine

J’ai délaissé les vallées de vie,

Pour l’archet hâtif de traire l’ultime accord d’amour

Où l’angoisse bruisse comme une averse

 

Violon, violon

 

Abandonné sur une montagne de plainte

Ce silence bientôt sera mon seul abri

Solitude peuplée de notes d’ombre

Qui crépitent derrière chaque branche d’émeraude

 

Violon, violon

 

Abandonné sur une montagne de rêve

Les mots deviennent abeilles, deviennent sources

Deviennent fleurs

Et deviennent rien, consommés

Par le rêve et par la mort

 

Violon

 

Notes songeuses penchée sur leurs instants

Les pas des chamois élargissent la nuit

Leur chevauchée devient espace

 

 

 

 

(1946.)

Jean-Pierre Duprey / Derrière son double - Œuvres complètes