LA CHANSON DE LA VILLE MORTE
Par domcorrieras, le samedi 16 décembre 2017 - Poèmes & chansons - lien permanent
I
En pénétrant dans la ville morte
Je tenais Margot par la main.
Un éternel petit matin
Nous apportait sa lumière morte.
Nous allions de ruine en pétrin
Dans les rues, de porte en porte.
Ce qui avait été des portes
S’ouvrait sur d’étranges confins.
Je tenais ma femme par la main
Dans les rues de porte en porte.
II
Ce n’était que portes vides
Et poubelles pleines de cris.
Des explosifs incorrigibles
Se dérobaient dans les replis.
Nous marchions dans la nécropole
Les pieds brisés et sans paroles
Devant ces portes sans cadoles,
Devant ces trous indéfinis,
Devant ces portes sans paroles
Et ces poubelles pleines de cris.
III
Nous allions, le cou un peu raide,
Vers d’indiscutables secrets.
Personne ne nous venait en aide.
Aller à pied vers le passé
Vaut moins que tout ce qui précède.
Et nous étions si fatigués
Dans ces venelles malitornes
Que nous cherchâmes une borne
Ou un peu de ciment cassé
Afin de reposer nos pieds.
IV
Main sur main nous avons trouvé,
Éparpillés dans la poussière,
Les belles chansons roturières
Qui recouvraient les vieux pavés.
Des airs bien connus de casernes
Se joignaient à nos intentions
Et fleurissaient une lanterne
Chanson de charme d’un clairon
Qui fleurissait une lanterne
Dans un rêve de garnison.
(1953.)
Pierre Mac Orlan / Chansons pour avccordéon