« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

J’ai vu un lac


 

 

 

 

J’ai vu un lac, un lac qui se tenait debout,

Et, leur logis d’eau douce achevé, les poissons

Jouaient avec la rose taillée dans la roue,

Dans l’esquif s’affrontaient le renard et le lion.

 

Les voûte avortées de voûtes plus ouvertes

Zieutaient par le dedans les trois hurlants portails,

La gazelle enjamba la portée violette

Et du roc le soupir des tours soudain jaillit.

 

Et fier le grès se dresse, abreuvé de fraîcheur ;

Dans la ville-grillon, la ville des métiers,

Un enfant-océan vient de surgir du fleuve

Et d’eau douce à pleins seaux asperge les nuées*.

 

4-7 mars 1937, Voronèje.

 

 

 

 

* Ce poème est une évocation de la rosace de Notre-Dame.

Ossip Mandelstam / Cahiers de Voronèje (1935-1937)
traduit du russe par François Kérel
Illustration : Portrait of the poet Ossip Mandelstam (1891-1938), 1915. Artist: Miturich, Pyotr Vasilyevich (1887-1956)