VIGILANCE
Par domcorrieras, le samedi 14 octobre 2017 - Poèmes & chansons - lien permanent
A Paris la tour Saint-Jacques chancelante
Pareille à un tournesol
Du front vient quelquefois heurter la Seine et son ombre
glisse imperceptiblement parmi les remorqueurs
A ce moment sur la pointe des pieds dans mon sommeil
Je me dirige vers la chambre où je suis étendu
Et j’y mets le feu
Pour que rien ne subsiste de ce consentement qu’on m’a
arraché
Les meubles font alors place à des animaux de même taille
qui me regardent fraternellement
Lions dans les crinières desquels achèvent de se consumer les
chaises
Squales dont le ventre blanc s’incorpore le dernier frisson des
draps
A l’heure de l’amour et des paupières bleues
Je me vois brûler à mon tour je vois cette cachette solennelle
de riens
Qui fut mon corps
Fouillée par les becs patients des ibis du feu
Lorsque tout est fini j’entre invisible dans l’arche
Sans prendre garde aux passants de la vie qui font sonner très
loin leurs pas traînants
Je vois les arêtes du soleil
A travers l’aubépine de la pluie
J’entends se déchirer le linge humain comme une grande
feuille
Sous l’ongle de l’absence et de la présence qui sont de
connivence
Tous les métiers se fanent et il ne reste d’eux qu’une dentelle
parfumée
Une coquille de dentelle qui a la forme parfaite d’un sein
Je ne touche plus que le cœur des choses je tiens le fil
_______________
On me dit que là-bas les plages sont noires
De la lave allée à la mer
Et se déroulent au pied d’un immense pic fumant de neige
Sous un second soleil de serins sauvages
Quel est donc ce pays lointain
Qui semble tirer toute sa lumière de ta vie
Il tremble bien réel à la pointe de tes cils
Doux à ta carnation comme un linge immatériel
Frais sorti de la malle entrouverte des âges
Derrière toi
Lançant ses derniers feux sombres entre tes jambes
Le sol du paradis perdu
Glace de ténèbres miroir d’amour
Et plus bas vers tes bras qui s’ouvrent
A la preuve par le printemps
D’APRÈS
De l’inexistence du mal
Tout le pommier en fleur de la mer
André Breton