« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

QUELS SONT CES COUTEAUX QUI BRILLENT AU-DESSUS DE LA SEINE


 



Le soleil mordu
Par un bel animal
N’est plus qu’agonie
Et fuite devant
La faim
Faim aussi que ce ventre bombé
Sous le manteau noir de la bête
Sommeil
Aucune science ne m’apporte
Une fin aisée sur ta couche mobile
Ma rageuse passion écorche le gazon
Le sourire de ta mère illumine mon visage
Voilà la pierre qui crèvera ton orgueil
Quant à moi sans chaleur à qui ferai-je ma cour


                                        ***


Tous les soirs quand je suis seule
Je te raconte ma tendresse
Et j’étrangle une fleur.
Le feu lentement se meurt
Contracté de tristesse
Et dans le miroir où dort mon ombre
Des papillons demeurent.
Tous les soirs quand je suis seule
Je lis l’avenir dans les yeux des moribonds
Je mêle mon haleine au sang des hiboux
Et mon cœur court crescendo
Avec les fous.


                                        ***


Il pleut dans le coquillage bleu qu’est ma ville
Il pleut et la mer se lamente.
Les morts pleurent sans cesse, sans raison, sans mouchoirs
Les arbres se profilent contre le ciel voyageur
Exhibant leurs membres drus aux anges et aux oiseaux
Car il pleut et le vent s’est tu.
Les gouttes folles plumées de crasse
Chassent les chats dans les rues
Et l’odeur grasse de ton nom se répand sur le ciment
Des trottoirs.
 

Joyce Mansour