« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

MORT D’AMOUR - MUERTO DE AMOR


 

 

 

 

À Margarita Manso

 

Qu’est-ce qui brille là-bas

par les hauts corridors ?

Ferme la porte, mon fils,

onze heures viennent de sonner.

Dans mes yeux, malgré moi,

quatre lanternes brillent.

C’est que ces gens-là

font les cuivres.

 

 

Ail d’argent à l’agonie

la lune décroissante met

des chevelures jaunes

aux jaunes tours.

La lune appelle en tremblant

à la vitre des balcons,

poursuivie par les mille

chiens qui ne la connaissent pas,

et une odeur de vin et d’ambre

vient des corridors.

 

 

Des brises de roseau mouillé

et une rumeur de vieilles voix

résonnaient sous l’arche

brisée de la mi-nuit.

Des bœufs et des roses dormaient.

Par les corridors seulement

les quatre lumières criaient

avec la fureur de Saint Georges.

De tristes femmes de la vallée

baissaient leur sang d’homme

tranquille de fleur coupée

et de jeune cuisse amer.

De vieilles femmes de la rivière

pleuraient, au pied de la montagne,

une minute insaisissable

de chevelures et de noms.

Des séraphins et des gitans

jouaient de l’accordéon.

Mère, quand je mourrai,

qu’on informe les messieurs.

Envoie des télégrammes bleus

qui aillent du sud au nord.

Sept cris, sept sangs,

sept pavots doubles

brisèrent des vitres opaques

dans les salons obscurs.

Pleine de mains coupées

et de petites couronnes de fleurs,

la mer des serments

résonnait, je ne sais où.

Et le ciel claquait les portes

à la brusque rumeur du bois,

tandis que les lumières criaient

dans les hauts corridors.

 

 

 

……………………………..

 

A Margarita Manso

 

¿Qué es aquello que reluce

por los altos corredores?

Cierra la puerta, hijo mío,

acaban de dar las once.

En mis ojos, sin querer,

relumbran cuatro faroles.

Será que la gente aquella

estará fregando el cobre.

 

 

Ajo de agónica plata

la luna menguante, pone

cabelleras amarillas

a las amarillas torres.

La noche llama temblando

al cristal de los balcones,

perseguida por los mil

perros que no la conocen,

y un olor de vino y ámbar

viene de los corredore.

 

 

Brisas de caña mojada

y rumor de viejas voce,

resonaban por el arco

roto de la media noche.

Bueyes y rosas dormían.

Sólo por los corredores

las cuatro luces clamaban

con el furor de San Jorge.

Tristes mujeres del valle

bajaban su sangre de hombre,

tranquila de flor cortada

y amarga de muslo joven.

Viejas mujeres del río

lloraban al pie del monte,

un minuto intransitable

de cabelleras y nombres.

Fachadas de cal, ponían

cuadrada y blanca la noche.

Serafines y gitanos

tocaban acordeones.

Madre, cuando yo me muera,

que se enteren los señores.

Pon telegramas azules

que vayan del Sur al Norte.

Siete gritos, siete sangres,

siete adormideras dobles,

quebraron opacas lunas

en los oscuros salones.

Lleno de manos cortadas

y coronitas de flore,

el mar de los juramentos

resonaba, no sé dónde.

Y el cielo daba portazos

al brusco rumor del bosque,

mientras clamaban las luce

en los altos corredores.

Federico Garcia Lorca / Romancero Gitano
traduit de l’espagnol par Yves Véquaud