« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

C’était beau le Paradis, Monsieur ?


 

 

 

 

… / …

 

 

— C’était beau le Paradis, Monsieur ?

— Ah oui je reviendrai !

    Ceux qui meurent pas de la décoction qu’ont eu la viande bien arrachée mais que le cœur a résisté faut qu’ils aillent se laver un peu que la propreté retrouve ses droits ! A l’eau froide, au jet d’eau glacé ! que tout ça se requinque !… les clebs dehors hurlent ! toute la meute ! il faut ! parce qu’il y a retourlouze de triques ! Ça chancelle vacille sous l’eau froide ! les chiens raboyent ! Je vous parle pas des petites cellules, là, ils se suicident tout doucement… s’ouvrent les veines… à peine si ils poussent un soupir, ils sont morts, on sait pas… seulement le lendemain encore la toile étendue dessus… le suaire d’autopsie… mais y a des martyrs de fond ! Tenez l’avorteuse du « 115 » !… des beuglements qu’elle couve la meute !… et l’espionne du « 312 » ! que les matons chargent ! rouvrent leurs portes ! les triquent qu’ils râlent, hoquent, se taisent… « vrrang ! vrrang ! » vous entendez bien les gourdins !… les thorax ! les cuisses ! moi j’entends bien j’ausculte le sol ! Ça sonne ! J’entends tout l’ouïe contre terre !… Je peux pas m’allonger sur le bat-flanc je vous ai raconté… je me fais choir tel quel ! tabouret adhésif au cul !… Je m’arrache mes croûtes en me relevant quand ils sifflent que c’est le petit jour… enfin vers cinq heure… Ce qui me gêne en plus de mes bruits c’est peut-être encore mes boyaux, ces constipations de douze quinze jours… ces anses intestinales si lourdes… Ils me font un lavement d’eau bouillante et quinze ampoules d’extraits « DD ». Et puis ils me redescendent au trou… Si je demandais pas mon lavement je crèverais d’obstruction, de volvulus !… Alors ? Vous l’auriez jamais mon air ! Mi ! do ! do ! sol ! ni rie du tout ! ni Léo, ni la tante Estrême !

    Encore Putois crèverait mon mur ! Je le retrouverai à l’infirmerie ! Je le retrouverai toujours ! Je le retrouve toujours ! Il est habitué comme je le traite !

    — Chienlit bon à rien tu me perturbes ! Tu me chasses mes Muses ! Destructeur des Arts ! Hun !

    — Secoue-moi ! qu’il me répond.

    — Je secoue personne ! T’es comme Louis XV l’Assesseur nègre ! érotique envers contre tout !

    En plus, il défèque comme il veut, Putois ! Il empuantit l’ambulance ! des selles grasses moulées parfaites ! moi vous pensez l’amibiase ! J’aurais mille fois mille raisons d’être jaloux !… des selles pareilles ! Je pourrais être aussi jaloux de Jules qui pisse dans sa caisse comme il veut ! Moi là mon tabouret au cul c’est pas commode d’uriner ! Ah là là non ! Essayez ! Et je suis pas jaloux ! et il m’a fait pâmer Arlette, j’étais pas là mais je suis sûr !… J’aime mieux pas approfondir ! La pauvre mignonne amour qui souffre ! souffert assez de mes turpides, mille fois comme moi ! mes frasques patriotiques idiotes !

    Ils étaient d’accord Jules et elle ! C’est entendu… Une certaine complicité… Y avait l’esthétisme, la glaise… y avait toute cette histoire plastique… moulure !… moulure… ! y avait une autre entente encore de je ne sais quoi ?… Je récapitule… son filon… son filon !… l’impasse Traînée… Il faut que je vous situe bien tout !… que je récapitule 8… que vous regrettiez pas vos « six £ » ! et les dernières pages résumées ! les dernières « trente » !

 

Faut-il dire à ses potes

Que la fête est finie ?

Mi ! ré ! mi ! sol ! mi !

 

« En sol » Le tout « en sol » !

    Il est pas encore redebout son four c éramique ! remonté ! mais moi mi ! ré ! mi ! sol ! tout ce que je veux ! Oh, mais il vous faut les paroles ! J’admets ! J’admets !  

 

Que le vent t’emporte !

 

 

… / …

Louis-Ferdinad Céline / Féerie pour une autre fois (extrait)