« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Cathédrale


 

 

 

 

Le père du père de Moung devinait l’eau

et il coupait le feu.

Le père de son père devinait l’eau

et il coupait le feu.

Son père devinait l’eau

et il coupait le feu.

Ses ancêtres lui ont transmis

les formules qui charment les brûlures.

Il perçoit les pulsations des veines de notre terre

dont la parole résonne au cœur des pierres brutes.

Là où coule une eau souterraine,

ses pas s’immobilisent, il entre en transe,

car il a bu à la source du Marais de mémoire.

 

Il connaît les herbes mères,

l’usage des simples,

les pierres à venin,

celle contre la gravelle.

Il sait ouvrir un corps

comme il ouvre une bête,

recoudre les blessures avec une aiguille en os

et un fil fait d’entrailles séchées.

 

Lire les traces laissées par le vent

entre les nuages,

sur le sable,

ou à la surface du ruisseau,

traduire son langage.

 

Envelopper son corps

dans un brouillard obscur

pour se déplacer sans être vu.

 

Il sait les ailes oniriques,

les proportions des mots,

l’union du vide avec la nuit.

 

Lorsqu’il sentira venir sa mort,

il devra confier ces secrets à l’ainé de ses fils.

Chantal Dupuy-Denier / Cathédrale (extrait), in REVU la revue N°3 : http://revularevue.wixsite.com/revu/blabla