« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

LES CHEMINS GRISONNANTS


 

 

 

 

Dans ma mémoire à quatre voies

J’ai mis un air venu du sang de la prestance

Du temps moulu

Des espérances mal mesurées

Le regard d’une fille à l’âme écartelée

J’ai mis l’enfance inavouée d’un vieux ruisseau 

de rires

Un vieux ruisseau qui s’amusait à peaufiner

les berges pour mieux se souvenir…

 

Je suis disait-il le serviteur un peu rompu

des chemins grisonnants

La pensée sans jeté-battu des combes gouleyantes

 

Je suis le parvis des nonchalants farceurs

Peut-être aussi la dernière courbe qui ne se

redressera que dans la négation des sages

Restera sans ambages le refus de tous les 

purgatoires

L’insoumission aux canonnantes voix

A la loi des gradés bordés de froufroutantes

barbelures

Je suis l’obsédant libertin du soleil des plain-chants

Des nuits où la vertu crie grâce et les amours encore

Les hanches et les épaules tournées vers des

secrets d’amphores

D’un miroir d’aube où les couples liés

forment comme des cathédrales

 

Je suis le pieu rablé qui délivre du mal

Le retentissant fanal des orages qui plient

Le plus vieil incendie sans pavois

 

Je suis l’émoi qui rebondit de noces en semailles

De tailles cambrées en visage de lys

Je suis l’entaille qui fait office de bordel

Une apocalypse de baume et de tendresse

L’encorneur des menaces d’enfer et de leurs

hautes messes

Je suis le cristal bleu qui s’ouvre tous les soirs

sur l’amitié sans port

Sans crosses et sans fortin

Je suis l’éternité des miens

La rose de tous les sorts où l’habitude

redevient une flamme

Le lama mordoré du centre des Bermudes

Un chantre verdoyant qui tord le cou des H.L.M.

Je suis l’arbre qu’on aime comme on empoigne

la vie

Le fils d’un coquelicot lesbien et d’un bleuet pas net

Le plus beau ramassis de pudeurs éclatées

Je suis le gouvernail danseur qui mène de la

peur aux grandeurscaressantes

L’infatigable parricide des modes religieuses

De leur condescendance outrée

De la guerre

L’étable où pourrait naître Jésus ou l’un de

ses frères que l’on avoue jamais

 

Je suis le premier jet de la musique et

de ses acolytes

Le peintre des enfants mal nourris

Indéfinis

Le sculpteur de la prière des roues

et du premier faux pas

Ce poète un peu fou que l’on ne résoud pas

 

Je suis la mort qui bat

La mort d’Ailleurs

De tous les corrompus

De tous ces dieux faiseurs que je n’ai pas voulu….

 

Demain si vous le désirez amis

J’emmembrerai du pire l’engeance de vos rizières

Pénétrerai au mieux le berceau de vos champs

 

Je chanterai humains vous m’entendez

Vous entendez mes frères

Je chanterai

Puis j’irai naviguer dans l’or de vos coraux

Le liant d’un grand chœur ou le bombé d’un mot

Un seul qui finirait sans heurts dans la nuance

d’un merveilleux rameau.

Alphonse Pensa / Les cathédrales en flammes