« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

L’ÂNE EN PEINE


 

 

 

 

Un âne avait beaucoup de peine

à raconter sa vie d’âne

à un beau cheval blanc

qui le narguait.

 

« Exprime-toi comme un cheval »,

lui disait le cheval.

 

Et l’âne lui répondait :

« Je ne puis que m’exprimer comme un âne

puisque j’en suis un. »

 

Et le cheval irrité lui disait :

« Un âne se tait devant un cheval.

Ne te l’a-t-on pas appris ? »

 

Et l’âne pleurait, pleurait.

Et ses larmes — c’était un matin d’été torride —

rafraîchissait le sol qui, à sa façon,

le remerciait.

Edmond Jabès / Petites poésies pour jours de pluie et de soleil.