Tomber de Rideau
Par domcorrieras, le lundi 5 juin 2017 - Poèmes & chansons - lien permanent
Acte 3
Avec les doigts rougis de sang ne serait-ce plus que le mien
je trace des signes sur des miroirs retrouvés dans des maisons
béantes des portes des écrans et des tubes au néon échappé
Il y a partout autour de moi
ce grand brouillard et ce parfum d ‘humanité perdue
J’ai beau me dire que je ne suis pas le seul où sont donc les rires
et les enfants qui les portaient si bien
Des gestes de danses primitives sans cesse esquissées
des murmures perdus et que je tente mains unies
de recueillir comme je le faisais bien avant
Avant avec l’eau des fontaines
J’inscris les mots dans les pièces intactes de mon esprit
peu nombreuses continuellement
dérangées par les déménagements et les dernières secousses
sous mes pas
sol qui se lézarde sanglot du sol tremblement
qui hoquette et vomit des glaires ioncandescents
L’incertitude des lieux que je hante
les morceaux de pelouses les fruits gâtés
tous ces tombeaux ouverts aux marbres impeccables
Nous avons nagé toi et moi dans des eaux vertes
où les poissons étaient des pierreries aux yeux d’or
Nous avons espéré un peu tout de même
alors que nous savions les premiers ébranlements amers
les gestes déplacés
les nuages chimiques et toutes les fissions
Dieu avait balayé la pièce fermé la porte et jeté la clé
Depuis longtemps déjà
Allons mes doigts
allons donc jusqu’au bout dire le peu que je sais encore
Tu avais des seins pleins d’un lait qui n’a jamais servi
et ta voix m’embrassait bien mieux encore que tes lèvres
Quel autre homme peut témoigner de cela
Philippe Claudel / Tomber de Rideau