« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

L’après-midi des arbres


 

 

 

…/…

 

    Ce n’est pas tellement un paysage rassemblé il s’éparpille dans la lumière (je la vois à travers du temps) c’est comme un lieu de clairière au fond d’un chemin d’arbres et de buissons. Et c’est aussi l’éparpillement dans ces mots d’un plaisir, mais de quoi d’autre qui serait dit-on l’essentiel ? naturellement chacun peut reconstruire les comment de mes pages d’écriture mais qui me dira pourquoi j’écris, dans quelle espérance? chemin facile et transparent où brille au fond pas même un noir inquiétant mais l’emboîtement sans fin de la rhétorique et de la lumière. Et de la lecture.

    Dans le chemin qu’il mesure, suivant ses vaches (il marche tranquille, geste pour chasser les mouches), l’enfant que je vois, si mal vraiment, n’espérait aucun rassemblement miraculeux au bout de son tunnel de feuillage. aussi bien nulle dispersion ne l’inquiétait. C’est pourtant en plein, dans un jour silencieux je m’en souviens l’été le jeune été j’en suis sûr gonflait tout ce lieu dans la lumière, c’est en plein dans le vacarme tonitruant des arbres qui bougent au bord du bleu qu’il a vu briller son premier sperme et la douceur du vide dans l’éparpillement soudain de la solitude.

 

    Dans l’après-midi que font les arbres ils gardaient les vaches. Les grands buissons feuillus qui formaient les pâtis, le temps, c’était comme une longue rumeur de lumière. Le plus grand d’entre eux fait le taureau flaire sous les blouses leur cul en culotte courte — l’herbe grattait à cause des centaurées sèches, l’ombre vivante des arbres est là, un peu après il branle sa pine à genoux dans les pissenlits. L’ombre des arbres a gagné sur le pré : les jeux disparaissent dans la venue du soir ; l’après-midi, la lumière ne sont plus rien dans les feuillages proches sauf peut-être une espèce de bonheur qui permet de passer dans l’ordre du village. Or j’ai trop vite enjambé les toits, les cours, sans prendre le temps d’y oublier ni d’y métamorphoser lentement ces gestes dans l’herbe et le soleil. Il fallait rappeler les vaches et prendre garde en passant près des ormeaux de la mare : parce qu’ils avaient grimpé jusque dans les plus hautes branches pour chier. Cela que je ne peux recourir d’aucun sourire ou visage précis à lieu en un centre comme à l’écart, dans le pays. Ce n’est pas sans doute autour d’images mal racontées que s’organisent ces phrases mais dans un espace vacant de la mémoire. Ce que je construis (si peu) dans ma prose est-ce que ça sera même la manifestation restreinte mais vivante d’une pensée ? Elle agencerait des relations et des systèmes parmi le désordre morceaux peut-être d’autrefois et des choses d’aujourd’hui cela se perd dans le temps et dans les mots : les souvenirs que j’y ai lâchés (comme dans cette page) retombent en merde défaite sur une écriture signée.

James Sacré / Rougigogne - L’après-midi des arbres (extrait)