« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

COMMENT LES MENSONGES MÛRISSENT


 

HarisVlavianosIntro1.jpg

 

 

 

Le premier mensonge que j’ai dit à mon fils tout petit

c’était que oui, le bon Dieu existe,

qu’il aime tous les enfants

et les protège contre tous les malheurs.

Le deuxième

quand il a soudain perdu son grand-père),

que les humains ont en eux quelque chose

appelé « âme » — un petit esprit

qui à la mort, s’envole très haut

jusqu’à un lieu charmant, peuplé de bébés ailés,

appelé Paradis.

Quand ils veulent nous parler

ils descendent sur terre

viennent la nuit dans nos rêves,

nous accompagnent jusqu’au matin.

(Sur l’Enfer, les flammes, les marmites, je n’ai rien dit.)

Le troisième

(le jour où il fondit en larmes

à l’idée qu’un jour il me perdrait),

que je serais avec lui pendant plein, plein, plein d’années encore !

et qu’au moment de le quitter

je serais devenu un petit vieux édenté

« avec une bosse comme Carabosse ».

(Il a éclaté de rire.)

Le quatrième

quand il m’a demandé

si mon père à moi…

 

C’est ainsi que mûrissent les mensonges

et quand le fils ne les croit plus

on se les dit à soi-même pour ne pas mourir

de la vérité.

Haris Vlavianos / L’Ange de l’histoire