« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Le souvenir


 


 

 

Par un froid printemps ou un hiver vif

je me promenais ou bien j’étais statique

par habitude et comme tout change si vite

je m’en souviens ou bien j’invente un peu

 

Nous avions beaucoup bu, tout était clair

et j’étais soucieux, pourtant téméraire

parce qu’il faisait chaud, frais le soir

mais j’étais sobre et sans lunettes - aveugle !

 

J’ai tout entendu alors ! Épatant !

Et si j’en dis plus, si vous étiez là…mais

vous en sauriez plus…vous étiez absent.

 

Ma mémoire s’affine, s’annule jour pour jour

comme si d’un rêve était né mon réel

c’était un bel été, nous avions très soif.

 

En pensant au pire, je me gratte le peu que j’ai :

c’est bien ma veine d’y penser ! La rumeur

chante, une mésange épicée, un bœuf émincé

qui sautille alerte et léger, gai farceur !

 

Je vois mon reflet, m’interroge jusqu’au bout :

« Qu’ai-je fait ? Pourquoi n’y a-t-il de réponses ? »

Je souris, et c’est là, je découvre, c’est près

Un point noir, je suis pris dans des ronces.

 

Sitôt dit sitôt fait, j’agis, je me résigne

Une bonne fois pour toutes. J’interroge  cette inflexible

Humeur - je la sens - j’esquive, je sens la cible.

 

Et la mésange pioupioute dans la cime des arbres frelatés,

Et le bœuf se parfume de saté, de safran,

Mon vent long rebondit contre la doublure des signes.

Xavier Frandon / L’adieu au loing (Éditions Le Citron Gare)