« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Le Diable pécheur


 

 

 

 

Le Diable pécheur

rit dans mon œil.

 

Sonnez, cloches de mon village,

repoussez-le en arrière !

« Nous sonnons, mais toi, que regardes-tu

en chantant dans les prés ? »

 

Je regarde le soleil

des mortes étés,

je regarde la pluie,

les feuilles, les grillons.

 

Je regarde mon corps

de quand j’étais enfant,

les tristes dimanches,

la vie perdue.

 

« Aujourd’hui te revêtent

la soie et l’amour,

c’est aujourd’hui dimanche,

demain on meurt. »

 

 

………………………….

 

 

Al rit tal me vuli

il Diàul peciadòur.

 

Sonàit, mes ciampanis,

paràilu indavòur !

« Sunàn, ma se i vuàrditu

ciantànt tai to pras ? »

 

I vuardi il soreli

di muartis estàs,

i vuardi la ploja

li fuèjs, i gris.

 

I vuardi il me cuàrp

di quan’ ch’i eri frut,

il tristis Domèniis,

il vivi pierdùt.

 

« Vuei ti vistíssin

la seda e l’mòur,

vuei a è Domènia

domàn a si mòur ».

Pier Paolo Pasolini / Poèmes à Casarsa, Les litanies du beau garçon (extrait)
traduit du frioulan par Nathalie Castagné et Dominique Fernandez
Photo : Pier Paolo Pasolini par René de Cecatty