« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

XIX - CES JOURS DE DANSE ONT FUI


 

 

 

 

 

Viens, laisse-moi chanter à ton oreille;

Ces jours de danse ont fui,

Tous ces vêtements de satin et de soie;

Accroupis-toi sur une pierre,

Ton corps crasseux enveloppé

De guenilles non moins crasseuses :

Je porte le soleil dans une tasse d‘or

Et la lune dans un sac d’argent.

 

Tu peux bien me maudire, je chanterai quand-même:

Qu’importe si le coquin

Qui savait le mieux te plaire

Et les enfants qu’il te donna

Dorment quelque part comme des loirs

Sous une dalle de marbre ?

Je porte le soleil dans une tasse d‘or

Et la lune dans un sac d’argent.

 

Aujourd’hui précisément

À midi juste j’ai pensé

Qu’un homme qui s’appuie sur une canne

Peut laisser de côté toute vanité,

Chanter et chanter jusqu’à tomber,

Pour une jolie fille aussi bien que pour une mégère;

Je porte le soleil dans une tasse d‘or

Et la lune dans un sac d’argent.

William Butler Yeats / L’escalier en spirale et autres poèmes
traduit de l’anglais par Jean-Yves Masson