« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Nudité de la blessure


 

 

 

 

 

certains dimanches d’hiver, la pluie tombe

d’un coup avec la nuit sur la vitre

et tout ce que je ne sais pas cogne

 

 

par exemple écrire un poème un seul

capable de tenir le monde plus haut

dans la splendeur

 

 

alors j’ouvre la fenêtre pas celle devant moi

mais plutôt l’autre invisible qui donne

sur un jardin de velours noir

 

 

et tout ce que je ne sais pas fraîchit

me saisit à la gorge danse comme une femme

venue offrir ses seins à mes lèvres avides

 

 

puis je rêve de prendre Dieu sur mes genoux

de lui parler comme un enfant

et qu’enfin il m’avoue ses faiblesses

ses disparitions

 

 

et qu’enfin il me parle

du néant, de ce qui jamais en moi ne cède

et qu’il se laisse aller aux confidences

 

 

je rêve d’entendre Dieu me dire pourquoi

la lumière est si forte au-dedans

 

 

et pourquoi je pourrais marcher sur le monde

les yeux fermés

 

 

de me montrer aussi

ce qu’est l’âme

 

 

que je puisse jouer avec elle

comme avec une balle

 

 

j’éteins tout cela à coup de cigarettes

je le brouille, je l’enfume

gavant ma bouche de saveurs

 

 

qui ne m’emplissent jamais

je grossis, je maigris

je cours, je marche en tous sens

 

 

certains jours je suis vivant

je voudrais tuer la lumière, parler ru

comme, autour de moi, les gens que je vénère

et dont la vérité est aussi forte que la sève

nouée des arbres

Dominique Sampiero / Sainte horreur du poème