« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

IL EST LA MORT


 

 

 

 

La mort rôde,

je la sens, je la vois,

je la vois là, sous la pierre,

derrière l’arbre noir !

Vestige d’une société,

jusqu’au bout des ongles,

je porte mon deuil.

À mort, à mort ! il a crié.

Effrayée, je me suis cassée

la gueule contre ses tabous.

Il croit me tenir, mais je suis debout,

j’ai faim, je n’ai rien,

mais la mort rôde.

Du charnier des innocents

coule un ruisseau de sang,

je baigne, la mort règne,

dois-je me livrer ?

Non, je lutte, je lutte…

Éclate dans mes os,

arrache-moi la langue,

crève-moi les yeux,

mais fais quelque chose !

Bande sur mes restes barbelés,

pique mort fine…

Je jouis sur votre décadence,

je survivrai, je survivrai,

même si mon cœur cogne,

même si mon cœur cogne,

à m’en péter la peau,

 

 

je survivrai…

Danielle Bohr / Revue Dire N°38, page trois - Août 1982