« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

L’EAU


 

 

 

 

Avant, il y a l’eau.

Après, il y a l’eau ;

durant, toujours durant.

 

— L’eau du lac ?

— L’eau de la rivière ?

— L’eau de la mer ?

 

Jamais l’eau sur l’eau.

Jamais l’eau pour l’eau ;

mais l’eau où il n’y a plus d’eau ;

mais l’eau dans la mémoire morte de l’eau.

 

Vivre dans la mort vive

entre le souvenir et l’oubli de l’eau,

entre

la soif et la soif.

 

L’eau entre :

Cérémonie.

L’eau s’installe

et coule :

Fertilité.

Toujours l’eau pour l’eau.

Toujours l’eau sur l’eau.

Abondance.

 

— Le désert fut ma terre.

Le désert est mon voyage,

mon errance.

 

Toujours entre deux horizons ;

entre horizon et

appels d’horizons.

Outre-frontière.

 

Le sable brille comme l’eau

dans la soif inextinguible.

 

Tourment que la nuit endort.

Nos pas font gicler la soif.

Absence.

 

— L’eau du lac ?

— L’eau de la rivière ?

— L’eau de la mer ?

 

Viendra, bientôt la pluie

pour laver l’âme des morts.

 

Laissez passer les ombres brûlées,

les matins aux arbres sacrifiés.

Fumée. Fumée.

Edmond Jabès.